"La guérison par le plaisir", de Yvon Saint-Arnaud
Ch.3 "Vivre dans le plaisir au jour le jour" (p. 212-214)

Des recettes de plaisir par les relations interpersonnelles

À moins d'avoir été dès l'enfance privés de tout contact avec d'autres humains (Comme ce fut le cas pour l'enfant sauvage de l'Aveyron, en France, et certains autres cas d'enfants isolés ou abandonnés dès la petite enfance et qu'on a retrouvés seuls au milieu d'animaux. Ceux-ci semblaient leur avoir donné la même « éducation » qu'à leurs propres petits. Le docteur Itard a décrit ses efforts infructueux pour tenter d'apprendre le langage à un adolescent trouvé parmi des loups dans l'Aveyron.), nous connaissons bien le plaisir propre aux relations interpersonnelles. Naturellement, cette jouis-sance commence par l'expérience du toucher mutuel déjà dans l'utérus maternel (Dans l'utérus, ni le foetus ni la mère ne se touchent avec leurs mains, bien sûr. Seulement, les contacts continuels entre l'organisme de la mère et celui de l'enfant mettent en place les premières bases d'un plaisir qui durera toute la vie, celui de la confiance, de l'abandon total et sécuritaire et des sensations tactiles déjà extrêmement plaisantes entre la mère et l'enfant.). Nous ne pouvons, bien sûr, revenir dans l'utérus, mais cette expérience entraîne le fait que l'intimité tactile domine pour nous dès le départ et pendant longtemps. Ainsi, par exemple, la sonorité de la parole humaine provoque une vibration proprement tactile au niveau des muscles lisses en particulier. Les bébés, les jeunes enfants, puis les amoureux cèdent aux attraits précis de cette sonorité.
Mais comment continuer d'expérimenter, dans la vie quotidienne, ce plaisir lié à la parole et aux relations? Voici quelques propositions concrètes :
1-Garder contact, ne serait-ce que deux minutes par jour avec une personne dont la voix nous fait plaisir et nous détend. Et cela, même si ce n'est possible que par le téléphone, la télévision ou la radio.
2-Favoriser chaque jour une rencontre, même brève mais valable, avec au moins une personne dont la présence nous est agréable et stimulante. Cette rencontre peut avoir lieu n'importe où, même dans un centre commercial, une gare, etc. L'essentiel ici n'est pas la fréquence ou la durée de la rencontre, mais la volonté de savourer, ne serait ce que pendant un court instant, le plaisir de donner la main, de rencontrer un regard, d'entendre l'autre rire ou de sentir son estime. Évidemment, ce genre de rencontres quotidiennes est plus facile entre personnes qui vivent sous un même toit.
3-Développer le plaisir de l'ouverture du coeur. Tous le spécialistes du bonheur dans le couple insistent sur l'importance de savoir parler de ses émotions et de ses sentiments, d'accepter de les partager dans la vérité, d'écouter l'autre avec une empathie authentique. Ainsi, lors d'un procès en divorce particulièrement désagréable et blessant pour les deux parties, le juge pria l'épouse de dire en un seule phrase la cause la plus grave de leur mésentente Instantanément, la dame répondit, en se tournant vers son mari : « Depuis vingt ans que nous sommes ensemble tu ne m'as jamais dit ni tes émotions, ni tes sentiments ni tes intentions, ni tes désirs, ni tes pensées secrètes. Le juge demanda alors au mari: « Est-ce vrai? » Celui-ci acquiesça. Quand le juge lui demanda pourquoi, le mari déclara: « Je n'ai rien à dire sur tout cela. » Ce fait, qui n'est pas unique, révèle l'urgence d'un partage mutuel authentique. D'après notre expérience personnelle en thérapie de couple, et d'après les résultats de maints sondages, le plaisir d'un tel partage dépasse nettement celui du seul échange génital comme source efficace de bonheur à vivre ensemble. Nous osons suggérer la pratique au moins quotidienne, d'un tel échange qui nous paraît nécessaire pour maintenir et développer l'art d'avoir du plaisir à vivre ensemble. Peu coûteuse, financièrement, cette ouverture assure et protège des relations interpersonnelles profondes et durables.
4-Ce type de partage est aussi très précieux pour entretenir les jouissances de l'amitié, de la camaraderie, de la relation parents enfants. Certes, la nature de ces relations ne saurait comporter les mêmes exigences d'ouverture complète, sauf pour l'amitié profonde. Mais cette réserve ne diminue pas la nécessité de pratiquer chaque jour les degrés d'ouverture convenables pour chaque situation. Prendre un moment, quotidiennement, pour un pareil dialogue devient donc un exercice indispensable pour être en mesure de ressentir du plaisir dans ses diverses relations.
5-La pratique journalière aussi des gestes de tendresse appropriés à chacune de ces relations constitue une autre recette de jouissance particulièrement satisfaisante. Multi-plier discrètement les paroles affectueuses et les manifes-tations physiques, mais non génitales, de l'attachement a le pouvoir d'entretenir la présence active du plaisir et de la bonne humeur dans la. vie de tous les jours.

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